LA  MUSIQUE ARABO ANDALOUSE

Par A. BENSID       Paris Avril 1998   MAJ  juin  2022

Les origines de la Musique arabe remontent à la période qui se situe entre le Vème siècle et l’expansion de l’Islam au VIIème siècle. L’art musical arabe antéislamique intégra les traditions musicales de la Dynastie des SASSANIDES (entre 224 et 641 ) de perse et du 1er Empire Byzantin (du IVième au Vième siècle ).

            La tradition musicale se développa à la cour de l’Empire Musulman du VII ème au XIIIème siècle. Elle connut son apogée sous la dynastie des Omeyyades aux VIIème et VIIIème siècle et connut son âge d’or de la Syrie à l’Espagne, sous le Califat Abasside (750-1258 ).

            Le Calife Abasside, AL mahdi benabidjâfar al mansûr fut un grand adepte de la musique et de la poésie. Son fils Hûroun ar râchid , plaça la culture à un rang élevé ; il donnait, à chaque poète, à chaque chanteur, l’occasion de montrer son talent.

            Dans les palais de l’Andalousie, aux beaux patios fleuris et aux splendides jardins, des califes se succédèrent pendant plusieurs siècles; leur passe-temps préféré fut la musique. Les poètes écrivaient les mouwachchahates, les azdjales  qui plus tard seront organisés en suite musicale connue sous les noms des nûbats, slislats et inqlabats; ils composaient des poèmes remarquables faisant extérioriser les sentiments les plus profonds de leur auteur. Leur vocabulaire exquis et riche permettait une authentique approche de la réalité, de ce que ressentait, vraiment, le poète :

  • Nostalgie
  • Beauté
  • Amour
  • Nature
  • Satire

Chaque mot de chaque poésie avait un sens très précis qui convenait, exactement, à l’idée que voulait exprimer le poète.

A.S TRITTON disait : « Le poète arabe examine le monde à travers un microscope. IL s’intéresse au plus petites particularités des lieux ou des animaux et fait de la poésie, de la géologie et de l’anatomie versifiées, quelque chose d’intraduisible »

 Ces poèmes devaient être chantés, il fallait leur associer une musique adéquate exprimant les mêmes sentiments que ceux exprimés par les mots.

Deux musiciens marquèrent la théorie et les pratiques musicales : Ibrahim al_Mawsili (742-804) et son fils Ishaq al-Mawsili (767-850) surnommés, respectivement, « le Paradis de la terre » et « la mer des chanteurs ». Ils commencèrent à donner une impulsion à la musique et à la classer, la répertorier.

En 822, Abû Hassan ali Ben Nafi dit Zyriab, esclave persan affranchi, fuya BAGHDAD, par crainte des représailles de son maître ISHAQ EL MAWCILI qui prit ombrage, car le sultan Hâroun  Ar  Rachîd, à qui il fut présenté, était conquis par la voix et l’exécution de cet élève. Il arriva à CORDOUE, l’une des capitales de l’Espagne Musulmane, qui fut un foyer de la musique arabe médiévale. Où il fonda la tradition arabo-andalouse qui se répandit jusqu’au Maghreb en passant par Tétouan, Fez , Tlemcen,  Alger,  Tunis et libye. Cette musique est appelée différemment, selon les pays du Maghreb ; El âla  de Fez au MarocEl âla  Tilimsaniya  de Tlemcen, Ecole d’Alger et malouf à Constantine, en Tunisie et en libye.

« Zyriab transforma la cour de Cordoue en une avant-garde artistique et culturelle du moment en créant une école musicale. Parmi ses élèves, nous pouvons citer ses propres fils : Abdallah qui avait la meilleure voix, Abderahmane et Qassim, sa fille Hamdouna, tout comme sa sœur Oulya ; il enseigna à plusieurs chanteurs, parmi ceux-ci, Manfi et Masabih, chanteur du secrétaire Abou Hafs Omar ben Qahlil ».

La musique andalouse est un art dont chacun apprécie le charme ; elle propulse celui qui sait l’apprécier, dans un romantisme très doux, sentimental et nostalgique. 

« Si la musique nous est si chère, disait R ROLLAND, c’est qu’elle est la parole la plus profonde de l’âme ».

Peut-on rester indifférent devant une Nûba magistralement exécutée ? 

Mais, au fait, qu’est-ce qu’une Nûba ?

La tradition de la musique arabo- Andalouse repose sur une forme stricte : la nûba . Celle-ci est une suite de pièces vocales et instrumentales du même mode.

            La nûba veut dire, selon Djelloul Yelles  et Amokrane Hafnaoui dans leur livre : « Al-Mouwachchahats Wa-L-Azdjal » :

  – Occasion, tour de rôle ( dja ‘ats noubatouk), nouba veut dire une (1) nuit et un (1) jour c’est-à-dire 24 heures.

                  « La nouba, selon Christian Poché, est fondée sur la notion de mode que l’on nomme « tab’ » ; c’est le mode qui assure à chaque nûba cohérence et identité. Un seul mode la dirige, mais des modes secondaires s’y greffent. »

La nûba  de l’école de Tlemcen est composée et classée de la manière suivante

Mshaliya :  C’est une sorte de prélude ou d’exposition non mesurée du thème général, jouée par les instruments dans le mode choisi, invitant l’attention de l’auditoire et le conditionnant, suivie d’une ouverture.

Tûshiyat :  C’est une ouverture instrumentale rythmée. Elle est exécutée par tous les instruments de l’orchestre.

M’çaddar :  C’est une mélodie ample, lente, exécutée en chœur ou en solo sur un mouvement uniforme. Les musiciens considèrent le M’çaddar comme le roi de la mélodie, comme la partie la plus noble et la plus émouvante de la nouba.

Btayhi:    Le M’çaddar est suivi d’un  Kûrsi, nouvelle ritournelle instrumentale qui annonce la transition et prépare une nouvelle série de mélodie portant le non de Btayhi.   Le Btayhi se chante sur un mouvement encore assez lent, mais moins majestueux que celui du M’çaddar.

DardjSorte de complainte chantée sur un rythme lent.

Tûshiyat  Nçrafats:  توشية اٌلإنصرافات Tout porte à croire que la Nûba classique avait, entre les Drdj et les Insirafat, un intermède purement instrumental, qui avait pour but de laisser reposer les chanteurs et en même temps de préparer la transition entre les mélodies de style sévères déjà entendues et les mélodies plus légères qui allaient terminer le cycle de la nouba. Malheureusement nous ne possédons que les Tûshiyats de la nûba Ghrib et Hsine.

Inçrâf  :C’est une mélodie chantée et jouée sur un mouvement alerte où les poèmes deviennent plus gais. Les insirafats sont procédés d’un Koursi.

Khlâç :   Il apporte la conclusion de la nouba, se joue sur un air au rythme vif.

On termine par une Tûshiyat  ُal kamel comme dans les modes Ghrib et Hsî

            Souvent, on introduit dans la Nouba un Istikhbar entre deux mouvements, de façon générale après un Derdj ou entre deux Insirafats ; C’est une sorte de dialogue entre les instrumentistes individuellement et un chanteur qui entame deux vers ou plusieurs chantés en solo mais non mesurés, relatifs aux circonstances temporelles de son auditoire ou bien relatif à ses sentiments personnels.

Des instruments  à cordes appropriés sont utilisés pour l’exécution de la musique andalouse.

  • Le Oud ou Ud, considéré comme étant le roi des instruments de la musique arabe. Il comporte six cordes doublées accordées de l’aigu au grave en ré la mi si la mi ou bien do sol ré la sol ré
  • La kuitra utilisée surtout à Tlemcen et Alger comporte quatre cordes doublées accordées en ré la mi sol.
  • Le R’Beb, instrument à deux cordes, indispensable, donne une certaine prestance à l’orchestre. On joue sur une seule corde accordée en l’autre corde assure le contre poids.
  • Le Violon ou Kamendja . Les cordes sont accordées en Mi la Ré sol
  • L’Alto de l’aigu au grave  accordé en Mi la Ré sol ou l’accord universel Do Sol Ré La
  • La Flute ou f’hel qui a tendance, malheureusement à disparaître des orchestres de Tlemcen.
  • Le Tar et la derbouka Instruments rythmiques de la musique andalouse.

La musique andalouse est  bien enracinée à Tlemcen.

              Cheikh EL Arbi Bensari l’un des derniers représentants de la lignée des maitres de cette musique traditionnelle avait fait les beaux jours de Tlemcen, son orchestre se produisait à toutes les occasions aussi bien, lors des mariages ou de simples soirées entre amis.

               La musique andalouse ne doit pas s’arrêter à Cheikh El Arbi Bensari seulement, la formation de jeunes orchestres doit profiter de la compétence de certains anciens disciples de Cheikh El Arbi Bensari  encore vivants pour assurer la pérennité de cette musique. Il est loisible de la parfaire et non de l’altérer par l’intrusion d’instruments inadéquats et par le modernisme de mauvais goût.

Cheikh Mohammed Dib (1860-1915)   avait prévenu : « La musique classique est une œuvre achevée, inaltérable et parfaite. Et c’était à nous, musiciens qu’incombe la lourde et merveilleuse tâche de toujours tendre vers la perfection. L’artiste est celui qui persévère dans l’effort, peine et souffre. C’est dans cette quête perpétuelle qu’il accède à la vérité, triomphe sur lui même en délivrant, aux autres, son message de joie et de sincérité ».

Il serait indécent de terminer cet exposé sans parler de Cheikh Ahmed Bensari dit Rédouane qui comme disait

Djamel Dib   «  par la grâce de son génie, Rédouane apporte la sérénité à tout être aimant l’élégance, il procure, par le miracle de son art, l’apaisement l’enchantement puis la félicité aux âmes qui ont le goût et le sens de la musique, le talent de cet immense artiste n’en finit pas de me remplir d’admiration. ».

Mes remerciements à Dr Yahia Ghoul

BIBLIOGRAPHIE

  • Les expositions de l’héritage andalou GRANADA 95
  • Encyclopédie de la musique 1ère Partie Page 2845    Par Mr Jules Rouanet
  • Deux grands maître de la musique classique  Par Mr AMAZIGH Koceil
  • Exposé sur la musique andalouse.   Par Mr Ahmed Triqui
  • Exposé sur la musique andalouse      Par Mr Djelloul Benkelafat
  • Extrait de l’article écrit par Mr El Boudali SAFIR    Radio Algérie
  • Patrimoine de Musique Arabo Andalouse par Dr Yahia Ghoul